En Auvergne, ils et elles croient aux pouvoirs des pierres

Les bacs de pierres polies de la boutique de Nicolas Hosmalin à Aubière (Puy-de-Dôme), les lithothérapeutes – thérapeutes par les pierres – en utilisent plus de 150 différentes.

Les adeptes de la lithothérapie, entre développement personnel et ésotérisme, se servent des minéraux pour réguler leurs émotions et « rééquilibrer les énergies ». Une mode qui traduit un besoin croissant de se reconnecter à la nature. 

Sans le panneau accroché sur la devanture, la boutique passerait inaperçue dans la zone industrielle bétonnée d’Aubière, une petite ville du Puy-de-Dôme. À l’intérieur, sous les lumières blafardes typiques des bijouteries, brillent des pendentifs sertis de pierres colorées. Au centre de la pièce, des centaines de minéraux polis s’exposent, rangés par couleur dans de petits compartiments carrés. Améthystes violettes, malachites vertes, obsidiennes noires. Transparentes, mates, brutes, taillées ou roulées. Des pierres pour tous les goûts et tous les besoins. 

Nicolas Hosmalin, 40 ans, propriétaire de la boutique Du minéral au bijou à Aubière (Puy-de-Dôme) © Lucile Pascanet

Dans l’entrée trône une pierre violette de la taille d’une raquette de tennis. « Une améthyste du Brésil », explique Nicolas Hosmalin, 40 ans, propriétaire de la boutique Du minéral au bijou. Une notice indique que l’améthyste procure « calme et sérénité » quand elle est placée dans une maison. C’est le principe revendiqué par la lithothérapie : « Une technique de soin énergétique » pour atteindre le bien-être grâce aux minéraux, explique Marie Cohendy, qui la pratique depuis plusieurs années.

« Atteindre le bien-être »

Immédiatement, Nicolas Hosmalin devance les accusations de charlatanisme. Les pierres aident, mais ne peuvent pas tout. Dans sa boutique, un écriteau précise bien que « dans aucun cas, un traitement médical ne doit être remplacé par la lithothérapie ». Pour Sylvie Demouchy, directrice de recherches au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), les pierres ne sont même « qu’un placebo ». « Il n’existe aucune preuve scientifique que la lithothérapie fonctionne », dit-elle.

Les améthystes d’Auvergne ont moins de succès que d’autres minéraux, selon Nicolas Hosmalin : « Les gens leurs préfèrent des pierres plus colorées du Brésil ou d’Uruguay » © Adrien Maumy

À Romagnat (Puy-de-Dôme), à quelques kilomètres d’Aubières, Virginie Lenglet reconnaît bien volontiers que la lithothérapie n’est pas une médecine. Elle aussi s’est lancée dans la confection de bijoux aux propriétés énergétiques. Sa maison de Romagnat est devenue un atelier, une boutique et un bureau de poste, duquel elle fabrique et envoie ses créations. Le showroom est dans le salon : une bague de labradorite bleue, un bracelet d’améthyste pour se « relaxer », un collier avec un œil-de-tigre – une variété de quartz, pour éloigner les mauvaises ondes…

« Une pierre de stress » pour les examens

Sa clientèle se divise entre amateurs·trices de jolies pierres qui achètent « pour la couleur », curieux·ses et connaisseur·ses, qui viennent avec des demandes précises. De son côté, Nicolas Hosmalin, à Aubières, dit croiser autant des personnes conseillées par des lithothérapeutes que des gens en demande de conseils. Dans ce dernier cas, il prend le temps d’explorer leurs besoins. 

Virginie Lenglet a fondé son entreprise Litho VL Créations. Elle fabrique et vend les bijoux qu’elle envoie depuis son domicile transformé en boutique de Romagnat (Puy-de-Dôme) © Lucile Pascanet

Car, en lithothérapie, chaque pierre est supposée avoir une fonction bien précise. Nicolas Hosmalin cite l’exemple du stress pour un examen. Normalement, explique-t-il, « il faut une pierre de stress ». Mais la discussion doit permettre d’affiner : si « la personne dit qu’elle stresse pour l’oral », le vendeur conseillera « une pierre d’expression ». « Il faut prendre la pierre qui colle le plus à votre situation », affirme-t-il.

Vérifier l’énergie des chakras avant chaque séance

Sur la table en verre de son salon, Virginie, qui fabrique ses bijoux, a aligné sept pierres de couleurs différentes. « Ça, ce sont mes sept chakras », expose-t-elle. Elle explique les avoir choisis en fonction de la façon dont elle a « réceptionné » leur énergie. « La pierre choisit la personne, poursuit-elle, c’est elle qui vous appelle par l’énergie qu’elle dégage ». 

Chacune de ces pierres est censée représenter un « chakra » selon Virginie Lenglet, de gauche à droite : coronal, frontal, de la gorge, du cœur, du plexus solaire, chakra sacré et chakra racine © Adrien Maumy

Les chakras ? « Des parties énergétiques qu’on a dans le corps », il y en aurait sept, montre Virginie en partant du haut de sa tête, jusqu’au bas de son bassin. Un concept issu du yoga indien. En lithothérapie, explique-t-elle, il faut poser les pierres sur les chakras de la personne « pour réactiver les énergies du corps ». Directeur de recherche au laboratoire de géologie du CNRS, Christian Chopin, relativise : à part les roches et minéraux radioactifs, les pierres ne dégagent aucune énergie avérée.

« Un complément » à la médecine conventionnelle


À Olloix, au bout d’une route serpentant entre les monts auvergnats, la maison aux tuiles rouges de Marie Cohendy trône au milieu des champs et des chevaux. Dans une pièce accessible par l’escalier extérieur, garni de pots de fleurs, elle est en pleine séance de lithothérapie. Avec un pendule, Marie Cohendy, lithothérapeute depuis plusieurs années, sonde les chakras de Valérie, sa cliente du jour, allongée sur une table de massage. Sur une table, une bougie se consume aux côtés d’une opale trempée dans un récipient rempli d’eau. Une manière de la « purifier », parce que la pierre a servi lors d’une autre séance.

Marie Cohendy, pratique la lithothérapie chez elle, près d’Olloix (Puy-de-Dôme) © Adrien Maumy

« Je vais voir si au niveau du chakra racine, il y a de l’énergie », débute-t-elle. « Chakra sacré c’est bien ». « Plexus solaire c’est bien ». « Chakra du cœur ça va ». « La gorge c’est bon », récite Marie Cohendy pour elle-même. « Ah là, c’est fermé », finit-elle en passant le pendule au-dessus du visage de Valérie. « Elle traverse une période de stress et de fatigue physique », expose la thérapeute, qui s’est entretenue avec Valérie avant de commencer la séance. 

« Après chaque séance, je me sens détendue », confie Valérie Zaneti, 54 ans, qui consulte Marie Cohendy pour ses problèmes d’angoisse, en parallèle d’un traitement médical © Adrien Maumy

« Après chaque séance, je me sens détendue. Sur le moyen terme s’installe un bien-être qui s’était éloigné depuis quelque temps »,explique Valérie. Cette femme de 54 ans explique souffrir de stress et d’angoisse depuis la crise sanitaire, la généralisation du télétravail et des problèmes personnels. Elle fait également appel à la « médecine conventionnelle ». « Marie vient en complément du traitement que je prends actuellement, explique-t-elle. Je vais continuer avec elle pendant plusieurs mois ».

La forme de ces « pierres roulées », vendues par Nicolas Hosmalin, est obtenue en les faisant tourner dans des récipients en forme de tonneaux remplis d’un mélange d’eau et de sable © Lucile Pascanet

Sur la table à manger, Marie Cohendy pioche des pierres parmi les nombreuses disposées en vrac devant elle. Les lithothérapeutes en utilisent 150, détaille-t-elle. Ce jour-là, elle choisit une jaspe rouge pour « redonner de l’énergie vitale au chakra racine », qu’elle place sous le pull de sa cliente. La « qualité des minéraux qu’on utilise », entre aussi en jeu, précise Marie Cohendy. Celle de ses pierres n’inquiète pas la praticienne. « J’ai mes réseaux », justifie-t-elle, sans détailler comment elle se fournit. 

« Je ne travaille qu’avec des pierres naturelles »

Virginie Lenglet, elle, n’apprécie guère les bijoux de lithothérapie vendus en grandes surfaces : « Ces pierres n’ont pas d’énergie. Les trois quarts sont teintées. Je ne travaille qu’avec des pierres naturelles ». Alors que beaucoup de pierres sont importées de l’étranger, le caractère naturel des pierres est mis en avant par tous ceux qui se revendiquent d’une lithothérapie « authentique ». « On achète ça dans une famille. Le père polit les pierres, la mère les vend », explique Nicolas Hosmalin, dans sa boutique. Mais lui aussi reste vague sur ses fournisseurs : « Quand vous allez aux morilles, vous ne dîtes jamais où vous allez les ramasser », justifie-t-il. « Mon père travaille avec une personne qui a un entrepôt de pierres venant du monde entier », explique de son côté Virginie Lenglet. « Ils les retravaillent dans des tonneaux ». Comprendre : les pierres sont polies dans des machines par l’effet d’un brassage avec de l’eau et des grains de sable.

Nicolas Hosmalin le souligne : « Les pierres correspondent à un besoin de nature, de revenir à des choses vraies ». La lithothérapie serait un retour à la terre, aux roches, aux origines. « La pierre, ça ne peut pas faire de mal, ça ne peut faire que du bien. » Au pire « ça ne fait rien du tout » conclut joyeusement Virginie Lenglet, avant de retourner fabriquer un collier « pour la fête des mères »