JO 2024 : le village des médias, un chantier qui divise
Le parc départemental Georges-Valbon (Seine-Saint-Denis) doit rétrécir pour accueillir des infrastructures destinées aux Jeux Olympiques de 2024. Mais plusieurs associations et collectifs citoyens s’opposent au projet.
A Dugny (Seine-Saint-Denis), petite cité dortoir coincée entre le Bourget et Garges-lès-Gonesse, le parc de l’Aire des vents changera de visage en 2024, à l’occasion des Jeux Olympiques. C’est ici que doit être construit le « village des médias » hébergeant les journalistes du monde entier venus couvrir l’événement, soit près de 2 000 personnes. Une fois les Jeux terminés, les habitations seront reconverties en « écoquartier », un ensemble de 1 300 logements, avec 1 000 m² pour des commerces et services, une école maternelle et élémentaire, un gymnase… Mais le projet est loin de faire l’unanimité dans le quartier. Riverain·es et associations de protection de la nature luttent contre le département et la Société de livraison des ouvrages olympiques. Car le fameux « village » n’est pas le bienvenu.
Classé Natura 2000, le parc de l’Aire des vents, aussi appelé George-Valbon, est reconnu par l’Union Européenne pour sa faune et sa flore exceptionnelles . C’est l’un des rares « poumons verts » de Seine-Saint-Denis. Pour protéger ce patrimoine, des riverain·es refusent son urbanisation, même si le parc départemental est déjà dénaturé – ses 27 hectares sont sillonnés d’allées goudronnées.
Aujourd’hui, la zone de chantier est délimitée par de grands panneaux gris dressés au milieu d’un parterre de pâquerettes. Quelques mètres plus loin, encore entourés de grillages, les premiers arbres du futur écoquartier ont été plantés. Depuis début avril, tout est à l’arrêt. Les travaux ont été suspendus. Après un recours en référé des associations environnementales contre la construction du « village des médias », la Cour d’appel de Paris a ordonné l’arrêt des travaux.
Le chantier, commencé en février, est maintenant déserté. Gaëlle habite juste en face du parc. Elle y vient régulièrement en famille pour profiter du beau temps. « C’est sûr que c’est moins joli maintenant, et moins naturel qu’avant », souffle-t-elle, installée sur une pelouse à quelques mètres du chantier. « On va nous sucrer quand même pas mal d’espace, nos promenades vont être beaucoup plus courtes ».
Autre inquiétude pour les riverain·es : voir une population aisée s’installer dans le quartier. « Ici, c’est assez populaire, on espère que cet écoquartier ne va pas nous amener des habitants qui risqueraient de faire augmenter le coût de la vie », raconte Yannick, coureur du dimanche et ancien habitant de Saint-Ouen. Le jeune homme a subi de plein fouet la gentrification de sa ville natale. Il a été obligé de déménager après la hausse du loyer de son ancien appartement.
D’autres habitant·es sont plus nuancé·es, comme Yanis, qui vient tout juste d’emménager dans le quartier. « J’espère que l’installation du ‘village des médias’ va permettre de mieux entretenir le reste du parc et surtout de redynamiser un peu la ville. J’ai bien profité du parc pendant les confinements, mais ils ne vont pas tout détruire, il restera des espaces de promenade », relativise-t-il.
Le parc reste pour l’instant peu fréquenté, faute d’entretien. Christianne, une habitante du quartier, y promène son border collie tous les jours. « C’est embêtant quand on promène son chien, ils ont tendance à manger les déchets. Cet espace a été laissé à l’abandon pendant plusieurs années », s’indigne-t-elle en ramassant une bouteille vide.
Contacté, le conseil départemental de Seine-Saint-Denis n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet. Mais Stéphane Troussel, président du département, affirmait à Libération, le 6 décembre dernier : « Ce projet est une véritable opportunité pour répondre à la demande considérable de logements en Seine-Saint-Denis».
L’écoquartier ouvrira ses portes en 2025, avec ses 1 300 logements, dont 20% de logements sociaux. Contactée également, la Solideo, Société de livraison des ouvrages olympiques, propriétaire du terrain, n’a pas souhaité s’exprimer.
Des associations relayent le mécontentement des habitant·es. Michel Loiseau, jeune retraité et membre du Mouvement National de Lutte pour l’Environnement (MNLE), explique en regardant le chantier : « Toutes les solutions n’ont pas été explorées et c’est bien dommage ». Le MNLE n’est pas opposé au déroulement des Jeux Olympiques, mais, en revanche, ils dénoncent l’installation de structure « en dur ». Pour eux, il n’était pas nécessaire de créer de nouveaux logements : « On a le réseau hôtelier, les logements vacants. Il y a même la possibilité d’installer des infrastructures temporaires, ça a déjà été fait, avec l’aval du comité international olympique ».
Après une bataille juridique contre la Solideo, le MNLE 93, le Collectif pour le Triangle de Gonesse et plusieurs regroupements ont obtenu une première victoire avec la suspension de la construction du « village ». Mais le combat est loin d’être terminé. Avant la fin de l’été, une audience devrait se tenir à la cour administrative d’appel de Paris, pour autoriser ou non son installation dans le parc.
Pour Michel Loiseau, même s’il s’agit de la construction d’un écoquartier, un espace vert va tout de même être détruit pour y construire des logements, ce qui représente une forme de destruction de l’environnement. En cas de victoire, et donc d’annulation totale du chantier, le MNLE 93 espère que le conseil départemental et la Solideo se chargeront de « renaturer » le parc et de l’entretenir.