À Mondy, la nature permet de raccrocher avec les études

La classe de 3e de la Maison familiale et rurale de Mondy prépare l’oral du brevet avec l’aide de leur moniteur Olivier. Le 12/05/2021 © Emeline Mauro

La Maison familiale et rurale de Mondy (Drôme) forme aux métiers de la nature de la 4ème au BTS. Objectif : redonner une chance à des jeunes en passe d’abandonner le système scolaire.

« Sans Mondy, je ne sais même pas si j’aurais eu le brevet ». Matteo, 17 ans, est arrivé à la Maison familiale et rurale (MFR) de Mondy, à Bourg-de-Péage, en classe de 4ème. Aujourd’hui en seconde dans l’établissement du nord de la Drôme, le jeune homme intimidé a gagné en confiance. Lui qui n’avait jamais eu plus de 10 de moyenne est devenu, l’an dernier, le premier de sa classe de 3ème.

Cachée dans un lieu-dit bordé d’arbres, cette école privée pas comme les autres, à la façade couverte de lierre, accueille 190 élèves répartis dans des classes de la 4ème au BTS. Des jeunes en grande difficulté, parfois à deux doigts de quitter les bancs de l’école, viennent y chercher une seconde chance. La formation étant centrée sur « la gestion et l’aménagement des espaces naturels », Mondy attire des gamin·e·s passionné·e·s de nature.

« Je crois que je n’ai jamais ouvert un cahier de ma vie, je séchais les cours avant »

Ils ou elles arrivent avec leur cortège de mauvaises notes et d’appréciations défavorables. Détestent le collège, le lycée. Et tentent de rebondir, grâce à l’internat obligatoire jusqu’à la terminale et à un parcours en alternance – moitié cours, moitié stage en entreprise. « Je crois que je n’ai jamais ouvert un cahier de ma vie, je séchais les cours avant, avoue Anabel. Ici on se connaît tous et toutes, et on a des centres d’intérêt communs, c’est stimulant. » Dormir sur place en semaine crée une proximité avec les élèves, qui viennent des quatre coins de la région. « C’est aussi un moyen de les extraire d’un cadre familial parfois difficile, en créant un cocon », explique Olivier Guinard, directeur de l’établissement et professeur de sport.

Matteo (gauche) et Jules (droite) n’étaient pas à l’aise au collège, ils ont vu leurs notes remonter à leur arrivée dans la Maison familiale rurale. 11/05/2021 © Emeline Mauro

Accompagner pour mieux apprendre

En France, il existe 320 Maisons familiales et rurales. Elles ont le statut d’association et dépendent du ministère de l’Agriculture. Cela fait presque un siècle que des parents et des syndicalistes paysans ont créé ces structures, en 1937, pour pallier le manque de formation des jeunes agriculteur·rice·s dans l’enseignement traditionnel. « Mais aujourd’hui, les enfants ont des origines bien plus diverses », note Linda Jousseaume, monitrice à Mondy. Cuisine, environnement, service à la personne, vente… L’offre des MFR s’est largement diversifiée. Les classes de ces écoles professionnelles ne désemplissent pas : les effectifs ont progressé de 20 % en 2020.

« Il y a moins de pression que dans mon ancien collège »

Jules fait partie des nouveaux·elles arrivant·e·s à la MFR de Mondy. « Il y a moins de pression que dans mon ancien collège », se réjouit le garçon de 15 ans. Passionné par les oiseaux, les insectes et les micro-organismes, ce jeune au large sourire refait sa 3ème dans l’établissement drômois. Avant, la « course aux notes » lui faisait perdre ses moyens. L’ambiance est plus solidaire ici. Jules décrit des moments d’entraide : « Si je n’arrive pas à faire mes devoirs mes copain·ine·s m’expliquent jusqu’à ce que je comprenne, et je fais pareil avec elles et eux pour les matières qui me passionnent ».

Le directeur de la MFR de Mondy et deux moniteurs de l’établissement se penchent sur les procédures Parcoursup : tout doit être dans l’ordre pour des candidatures de la rentrée prochaine. 11/05/2021 © Emeline Mauro

Pour accompagner les élèves, « nous sommes tenu·e·s de passer les quarante heures de notre contrat sur place, contre seulement dix-sept heures dans le public », détaille Régis Oriol, moniteur en BTS et géologue de formation. L’occasion d’avoir des échanges informels avec les élèves et d’approfondir les notions apprises en cours. En 2020, les élèves de Mondy affichaient un taux de réussite au diplôme du brevet de 95 %, contre 82,2 % dans le reste de la filière professionnelle (90,5 % dans la filière générale).

Ce mercredi 12 mai, dans les couloirs, Valérie Peillet est aussi stressée que son fils Johan. L’adolescent passe un entretien pour intégrer l’établissement après une année de première générale chaotique. « Avec le Covid, entre les cours à distance et les notes qui dégringolent, j’ai l’impression que l’institution a abandonné mon fils », se désole Valérie. La MFR de Mondy s’attend à recevoir de nombreuses demandes de parents d’élèves dont la scolarité a été secouée par la crise sanitaire.

Olivier Guinard, directeur de la MFR, est aussi moniteur de sport dans l’établissement. 11/05/2021 © Emeline Mauro

Apprendre à compter les oiseaux et à reconnaître les espèces

Rémy Méttais a passé six ans dans l’établissement du nord de la Drôme. « Les meilleures années de ma vie », sourit le jeune homme de 28 ans. Il est aujourd’hui chargé de projet biodiversité à la Ligue de protection des oiseaux (LPO) du département, à seulement quelques kilomètres de la MFR. Ancien élève en difficulté, Rémy a bénéficié de la patience des enseignant·e·s. Le naturaliste y a appris à compter les oiseaux et à reconnaître les espèces – devenu une large partie de son travail, à la LPO. 

« On s’entend bien, mais c’est parfois les végans contre les chasseurs »

Certains élèves se verraient bien recenser et protéger les oiseaux, comme lui. D’autres rêvent d’un poste au sein d’une fédération de chasse ou de pêche. Les débats peuvent être houleux en classe, sur la meilleure façon de traiter la nature. « On s’entend bien, mais c’est parfois les végans contre les chasseurs », schématise Matteo. Moniteur, Régis Oriol tente d’encadrer ces débats : « On leur apprend à comprendre les points de vue de chacun·e·s pour qu’ils et elles coopèrent dans le futur, quand ils seront en poste ».

À Mondy, on peine à trouver des filles

Le « cocon » de la MFR a un prix : trois mille euros par an pour chaque élève. Une somme loin d’être anodine. « Heureusement, j’ai pu obtenir une bourse du ministère de l’Agriculture », explique Sylvaine Vaud, mère de Lenny en classe de terminale. Des bourses départementales sont aussi attribuées pour aider à régler la somme couvrant les frais d’enseignement, d’internat et de cantine.  

Une partie de la classe de terminale de la MFR de Mondy s’accorde une après-midi film avant les premières épreuves du bac. 11/05/2021 © Emeline Mauro

Et l’école peine à attirer les filles, qu’on croise rarement dans les couloirs. Notamment parce qu’elles délaissent la filière professionnelle. Selon le ministère de l’Éducation, seules 26 % des adolescentes en classe de 3ème se dirigent vers un bac pro, contre 39 % des garçons. Les décrocheurs scolaires sont aussi majoritairement des garçons, selon le rapport « filles et garçons sur le chemin de l’égalité de l’école à l’enseignement supérieur » daté de 2020, ce qui contribue à expliquer le fait qu’ils soient plus présents à Mondy.

En revanche, à partir du BTS, la situation s’équilibre – il y a autant d’étudiants que d’étudiantes à Mondy. Anabel est en deuxième année, et elle « espère que cette égalité va se répercuter au sein des métiers de protection de la nature » – où seulement un quart des professionnel·le·s sont des femmes.

Dans cette région : Saint-Rambert en Bugey, Bourg-de-Péage